Lorsqu’elle était enfant ses parents l’emmenaient en Italie, parfois en Grèce, occasionnellement en ex-Yougoslavie,… On l’emmenait dans les églises pour les retables, dans les musées pour Michel-Ange. Avant d’entrer on lui donnait une pièce pour les « téléphones » qui lui racontaient l’histoire du lieu, détaillaient l’architecture, les chapelles, la vie des peintres, et à la sortie ces petits appareils photographiques en plastique qui défilent les vues. On ne devient vraiment que ce qu’on est déjà, mais ça prend une vie.

Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie, et deux mémoires de Maîtrise consacrés à la photographie (le premier à la critique du futurisme photographique, le second sous le regard de Jean-Claude Lemagny, alors Conservateur au Département de photographies à la Bibliothèque nationale, au blanc entre les images de la série photographique), elle a hésité entre tenter Arles, Vevey, Lièges, ou s’engager dans une voie qui la passionnait tout autant et où tout était autant à inventer : la muséographie. Choix cornélien, elle a finalement opté pour la seconde voie et s’y est engagée pleinement, vendant du jour au lendemain appareils et laboratoire…

Quitte à aller là, le faire bien et s’y donner totalement.

Un DESS de muséographie et de valorisation des patrimoines dans son CV, elle a commencé par s’attacher à valoriser l’image : comme critique d’art elle a publié dans de nombreuses revues, a écrit et co-écrit des monographies et des catalogues d’expositions, a assuré de nombreux commissariats et la direction artistique de manifestations et évènements, comme le Septembre Off de la photographie à Nice.  En 2002, elle quitte la lumière de la Riviera et troque la critique d’art et les expositions éphémères pour celui plus durable que l’on expose de façon permanente dans les musées. Elle se voit octroyer un DEA sur travaux, et engage une thèse de philosophie option muséologie. Elle oublie la photographie, exerce pleinement son métier de muséologue-muséographe, poursuit ses activités de chercheure et oriente désormais ses publications sur le champ muséal.

A 40 ans, elle se lance parallèlement dans une nouvelle aventure : l’édition, et crée avec Charlotte Clément, graphiste, les éditions De part & d’autre(s), avec une première collection « Regards croisés » qu’elle consacre à la créativité de femmes de talent.  Première balade, « Regards croisés au Musée de Valence », est un jeu de contrepoints entre les plats de la cheffe triplement étoilée Anne-Sophie Pic et les oeuvres du musée de Valence (leur ville natale à toutes deux) dans lequel elles déambulent ensemble un été. Vient alors le second livre, opus consacré à la viticulteure Christine Vernay, 3* au Guide Vert de la RVF.  En elle le livre appelle l’image pour parler les silences, les vibrations, la terre, le soin, l’ineffable. Elle pense un temps à engager, comme elle le fait dans son métier des musées, un photographe, mais l’histoire est différente. Elle retourne dans ce petit magasin dans lequel 25 ans plus tôt elle a vendu son matériel, achète une lentille, une transparence, un savoir-faire, une élégance, la pureté : un boîtier et deux molettes : le monde est entre temps passé au numérique mais elle s’en moque. Elle part à l’ascension des coteaux, un Leica et son envie.

depuis

Son métier la conduit à passer le plus clair de sa vie dans les musées, à parcourir des salles, à regarder des oeuvres. A les faire parler, aussi. On lui ouvre souvent les portes dissimulées des réserves, des laboratoires d’études, les tiroirs secrets de nos patrimoines universels. Elle sait que le monde peut se cacher, mais qu’il lui suffit de s’émerveiller de l’idée même pour qu’il vienne à elle et la vacille. Au fil des ans à regarder, elle a appris à voir.

J’ouvre grand mes yeux, j’éprouve l’instant, j’entends surtout. L’œil écoute, l’appareil enregistre la texture de la voix.

Elle parcourt autant le monde, déambule sur les quais de Paris, retourne souvent en Italie, voyage sur des terres proches ou lointaines. Sans montre, sans temps, en liberté. Elle regarde, écoute. Se pose, attend, raconte. Prend ce temps qu’on ne prend plus. Lui rapporte en images l’émotion là, la conversation énigmatique et nue, en ce lieu-là. Hypermnésique elle en retient tout. Elle fait des centaines puis des milliers d’images. La vie devient pleine de résonnances, chacune merveilleuse, toutes définitives.

J’ai fait de ma synesthésie un outil merveilleux qui m’ouvre des mondes de sensibles. L’œil m’aide à descendre au nu des choses. Il m’ouvre la voix, puis me confie l’instant fragile. La vie là est lente, le temps est immense. Si on sait s’absenter pour mieux être, on y entend le monde. On y entend la rencontre de notre âme et du monde, ou bien l’inverse. Les photographies découpent alors un fragment de l’instant plein. Une fois prises elles sont empreintes de la part la plus brute de mon émotion. Elles contiennent aussi mes plus beaux secrets.

aujourd’hui

Riche de cette double culture, ses clients sont aujourd’hui des musées, pour lesquels elle photographie les oeuvres, valorise les collections, vante les expositions ; des sites archéologiques, dont elle magnifie les ruines ; des villes, dont elle sublime les patrimoines ; des parcs, pour lesquels elle photographie les patrimoines naturels ; des architectes, qui lui demandent de suivre les chantiers ; des chambres d’agriculture, qui veulent vanter les productions ; des fondations et des galeries, qui veulent magnifier leurs collections ; des …

Rendre juste autrement visible ce qui est.